Le pooling (ou poolage) consiste à n’utiliser qu’un seul test de diagnostic pour analyser un mélange d’échantillons issus d’individus différents. Le pooling permet d’accélérer le dépistage de masse, de diminuer les coûts et de prévenir la survenue d’épidémies dans des communautés.
Inventé en 1943 par un statisticien américain, Robert Dorfman, le principe des tests de groupe est simple : plutôt que tester 100 échantillons, on peut rassembler ceux-ci en dix groupes (pools) de dix et tester chaque groupe. Si un des groupes est positif, alors l’un des prélèvements au moins contient l’agent infectieux. Inversement, si le groupe est négatif, alors on peut conclure que chaque échantillon qui le compose doit l’être également (si il n’y a pas de faux-négatifs, c’est-à-dire de résultat négatif alors qu’un individu porte le virus).
Regrouper les tests, pourquoi et pourquoi faire ?
La méthode permet d’économiser des réactifs nécessaires au diagnostic, qui sont coûteux et susceptibles d’être sous tension d’approvisionnement. Voir la question Quel test pour savoir si je suis infecté-e par SARS-CoV-2 ?
La stratégie des tests groupés a été employée dans le contexte de l’épidémie de COVID-19 dès février 2020 aux Etats-Unis. Menée sur plusieurs sites de la baie de San Francisco, l’objectif était d’estimer la prévalence virale, c’est-à-dire la fraction de la population infectée par le coronavirus SARS-CoV-2 dans la population.
Aux Etats-Unis, le Center of Disease Control américain (CDC) distingue désormais 3 types d’utilisation de la technique de pooling, suivant que cela soit :
1) pour le diagnostic individuel,
2) pour le dépistage de masse,
3) pour la surveillance épidémique
Nous discutons de ces 3 utilisations ci-dessous.
1) Utilisation en diagnostic individuel
Le résultat d’un test groupé porte sur l’ensemble des individus du groupe. Pour identifier le ou les individus infectés, une première méthode consiste à tester individuellement chacun des échantillons issus des groupes identifiés comme positifs.
Cette méthode, dite de Dorfman, n’est cependant pas la plus efficace car elle nécessite d’effectuer un nouveau cycle de diagnostic. Cette étape supplémentaire augmente significativement le délai de rendu individuel.
D’autres méthodes permettent de combiner astucieusement les échantillons en plusieurs groupes de manière à obtenir un diagnostic individuel. Celles-ci ont été appliquées dans le contexte de l’épidémie de COVID-19, par exemple les méthodes de matrix-pooling, d’hypercube ou encore la méthode P-Best. Toutes ces techniques sont d’autant plus efficaces que la proportion de personnes infectées est faible. Pour la méthode de Dorfman, la taille de groupe optimale est supérieure à 5 dès lors que moins de 5% des individus sont contaminés.
Le pooling est une technique susceptible de causer des faux-négatifs, du fait de la dilution de la concentration virale de l’échantillon issu d’un individu infecté dans le pool d’échantillons issus d’individus non-infectés.
2) Utilisation pour le dépistage de masse
Le pool testing permet, à coût économique constant, de tester un plus grand nombre d’individus et ouvre la possibilité d’effectuer des tests réguliers dans des communautés à risque (typiquement les Ehpad ou des centres de production alimentaire).
Des tests par regroupement d’entre 5 à 30 échantillons ont été menés dans des structures hospitalières ainsi que dans des maisons de retraites en Allemagne à des fins de prévention épidémique, portant à 22,000 personnes le nombre de personnes testées dans ces structures au cours d’une période allant du 13 mars au 29 avril. Voir la question Quels sont les risques de faux-négatifs dans les tests groupés ?
3) Utilisation à des fins de surveillance et de prévention épidémique
Il peut être intéressant d’obtenir un résultat en pool sans chercher à remonter à l’individu contaminé dans le groupe testé. Un résultat positif en pool pourrait permettre de déclencher une procédure d’alerte et un renforcement des procédures de sécurité.
Des modèles mathématiques montrent comment des tests groupés répétés dans le temps permettent de détecter plus rapidement des cas pré-symptomatiques ou asymptomatiques avant la propagation de l’épidémie. Ce type d’utilisation du pool testing à des fins de surveillance se rapproche de celle des eaux usées.
L’Organisation Mondiale de la Santé déconseille le pooling pour le diagnostic clinique des individus symptomatiques ou pour le suivi des cas contacts mais le CDC américain considère que le pooling est intéressant pour le dépistage de masse. La Food and Drug Administration (FDA) a d’ailleurs homologué une autorisation d’utilisation de tests virologiques groupés jusqu’à 4 échantillons.
Afin d’être mieux acceptés, les échantillons utilisés pourraient être issus de prélèvements salivaires. Voir la question Quel prélèvement pour tester la présence du coronavirus : nasopharyngé ou buccal ?
Pour ne pas surcharger les laboratoires médicaux, le CDC américain autorise d’autres structures (comme des laboratoires de recherche usuellement non habilités au diagnostic clinique) à effectuer ces tests en groupe, sous réserve que les résultats ne soient pas communiqués aux individus.
SOURCES
Article historique présentant la taille optimale dans le cas d’un test parfait (sans augmentation du risque de faux-négatif avec la taille du pool).
La méthode de C. Gollier et O. Gossner, publiée au début du confinement, consiste à utiliser les tests groupés pour permettre un déconfinement plus sûr et permettre aux travailleurs de retourner sur leur lieu de travail.
Gollier, C., & Gossner, O. (2020). Group testing against Covid-19. Covid Economics, 2.
Première utilisation en date des tests groupés sur 2,888 échantillons nasopharyngés testés par groupe de 10. Les 3 positifs détectés l’ont été à la fin février 2020, ce qui permet de dater l’émergence de l’infection virale dans l’état de Californie.
Recommandations du Center of Disease Control and Prevention des Etats-Unis d’Amérique, formalisant la distinction entre diagnostic, dépistage et surveillance.
Implémentation d’une méthode de Dorfman par groupe de 8; 26,576 échantillons provenant d’individus asymptomatiques, 31 (0,12 %) échantillons ont été détectés positifs pour le SARS-CoV2. Cela correspond à un gain d’un facteur 7,3 en nombre de tests.
Implémentation et discussion théorique d’une méthode dite d’hypercube.
Implémentation pratique d’une méthode de pooling combinée (P-Best) pour dépister 1115 membres du personnel médical à l’aide de 144 tests seulement.
Tests groupés (taille de 5 à 20) dans des échantillons salivaires par l’équipe de l’université de Yale également à l’origine du test SalivaDirect.
Une étude qui a réalisé un dépistage de masse du SARS-CoV-2 parmi deux cohortes de personnes asymptomatiques au Japon, l’une de cas contacts (161 personnes) et l’autre d’individus en quarantaine dans des aéroports (1 763 personnes). L’étude indique une sensibilité globale du test RT-PCR avec des écouvillons nasopharyngés (NP) de 86 % contre 92 % avec des échantillons de salive. La spécificité pour les deux échantillons est supérieure à 99,9 %.
Tests groupés (taille de 5 à 30) en Allemagne, dans le land de la Sarre, à des fins de prévention épidémique.
Article de modélisation du risque de faux-négatif en pool testing et application à la surveillance épidémiologique d’une communauté fermée.
Recommandation de l’Organisation Mondiale de la Santé.
Modélisation de l’évolution de la charge virale et son effet sur le temps de détection du virus par une stratégie de test groupée. Si le virus reste détectable en moyenne 14 jours par un test RT-qPCR individuel, il l’est pendant 11.2 jours dans un test groupé RT-qPCR de 25 échantillons, soit une réduction de l’ordre de 20% de la période de détectabilité, dont 10% sur la partie de fin d’infection.