La rapidité avec laquelle un vaccin efficace anti-COVID19 a été obtenu est sans précédent dans l’histoire de la recherche médicale. Ce succès est la résultante d’efforts conjugués de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et de la recherche médicale.
Les vaccins à ARN sont le résultat de recherches qui se sont déroulées sur plus de 30 ans, dont voici les étapes principales :
L’ARN des vaccins actuels est synthétisé in vitro à partir d’une enzyme appelée l’ARN polymérase des phages T7 (des virus de bactéries). Cette enzyme a été découverte en 1970.
En 1978, Giorgos J Dimitriadis arrive à faire produire une protéine, la globine de lapin, dans des cellules de souris en leur injectant directement un ARN. Cet exploit avait déjà été réalisé quelques années auparavant en 1971 par l’équipe de John B. Gurdon dans des œufs de grenouille.
En 1990, Jon A. Wolff aux USA montre que l’injection d’un ARN directement dans le muscle d’une souris induit l’expression de la protéine codée par cet ARN. L’article conclut que : «L’expression intracellulaire de gènes (ADN ou ARNm) codant des antigènes pourraient fournir une approche alternative pour le développement de vaccins.».
En 1993, Frédéric Martinon et ses collègues montrent qu’un liposome renfermant un ARN codant la nucléoprotéine (NP) du virus de la grippe induit chez la souris une réponse immunitaire médiée par certaines cellules du système immunitaire, les lymphocytes T cytotoxiques (CTL).
Les vaccins à ARN peuvent déclencher une réponse immunitaire innée excessive en activant la voie des récepteurs de type Toll (TLR). Katalin Karikó et Drew Weissman réussissent à atténuer ce risque en 1995 en introduisant dans l’ARN des nucléosides modifiés comme la pseudouridine (ψ).
Les vaccins de Pfizer/BioNTech et de Moderna reposent sur l’injection d’un ARN codant la protéine Spike (S) du coronavirus SARS-CoV-2 sous sa forme stabilisée en conformation pré-fusion. Cette forme stabilisée a été rendue possible grâce aux études structurales de la protéines Spike du virus MERS-CoV en 2017 et à l’introduction de 2 résidus proline qui ne sont pas présents dans la protéine Spike du virus SARS-CoV-2 naturel.
La synergie et la complémentarité avec la recherche appliquée et biomédicale ont ainsi permis de passer de la preuve de concept aux tests cliniques et à la production à grande échelle d’un vaccin efficace disponible, en un an seulement après le début de l’épidémie.
SOURCES
Blog sur le développement des vaccins à ARN.
Rapport de la Haute Autorité de Santé sur les aspects immunologiques et virologiques de l’infection par le SARS-CoV-2.
Découverte de l’ARN polymérase.
Des cellules de souris produisent une protéine, la globine, à partir de l’ARN du lapin.
Des cellules de grenouille produisent une protéine, l’hémoglobine, à partir de l’ARN du lapin.
L’injection d’ARN dans le muscle d’une souris induit l’expression de la protéine codée par cet ARN.
L’ARN codant la nucléoprotéine (NP) du virus de la grippe induit chez la souris une réponse immunitaire.
Réduction de l’immunogénicité de l’ARN en introduisant dans l’ARN des nucléosides modifiés.
Etudes structurales et d’immunogénicité de la protéines Spike du virus MERS-CoV.